Vieuthanasie...

Publié le par Stevan Sulliven

Ce matin, vers 10h, un client m'interpelle sans la moindre once de politesse: "Vous là! Je cherche les produits pour le lave-vaisselle!" Je ne m'indigne même plus de ce manque flagrant de savoir-vivre, je suis à présent un professionnel, où du moins, celà me plait de le croire... D'habitude, je leur désigne l'endroit du rayon d'un doigt indifférent, mais cette fois-ci je suis obligé de m'interrompre. La question recèle un piège. Je suis tombé sur un vicieux...

Sans me démonter, je rétorque d'une voix volontairement faussement amicale, le toisant ironiquement pour bien lui montrer que c'est lui, le con, puisqu'il a mal formulé sa question, mais qu'en bon professionnel je ne me laisse pas avoir aussi facilement. Oui, traiter avec le client, c'est comme tenter  de dompter un fauve: les rescapés sont ceux qui n'ont jamais montré le moindre signe de faiblesse. Je rétorque, donc, plein de fausse ingénuité maligne: "Pour laver la vaisselle ou la machine?" Outre tout ce que je sous-entends de manière explicite, c'est d'autant plus bandant que je sous entends de surcroît qu'il est à moitié aveugle, puisque le Sun 2en1 et le Calgon Powertabs dansent la gigue côte à côte dans la partie du rayon réservée aux produits vaisselle, mais ça, je ne le sous-entends que de manière implicite, puisqu'il ne connait pas le plan d'implantation par coeur, bien évidemment...

Oh mon dieu! Vous rendez-vous compte de ce que je viens de faire? C'est ma première blague liée à mon métier, en mode geek total! Alors, de deux choses l'une: soit je deviens un vrai professionnel (c'est bien!), soit je devrais écrire des blagues pour "The Big bang Theory" (encore mieux!) Bon, ben je crois que je peux être content de moi, malgré la honte...

Mais revenons à notre client impoli. Il me regarde en fulminant, et j'en profite pour amorcer un repli dans le rayon, en direction des produits vaisselle. Ainsi, histoire de lui démontrer que je suis vraiment un super pro, et qu'il devrait me respecter un peu plus à l'avenir, lorsqu'il parviendra enfin à émettre une réponse, j'aurais juste à lui dire "Eh bien, vous y êtes!", et il me foutra la paix. Il me suit machinalement, trop occupé à trier dans son esprit entre exaspération et stupeur. Héhé! Je lui ai posé une colle! En digne représentant du sexe masculin, il ne lui était surement jamais venu à l'esprit qu'on devait nettoyer le lave vaisselle. Non mais sérieusement! Ca se nettoie pas tout seul ces machins? Et soudain, à force de triturer ces méninges anesthésiées par la piquette, le vieillard a une véritable épiphanie. Il se rappelle cette pub qui commençait comme un mauvais film de cul: "bonjour, je viens réparer le lave-linge!" "Oh mais entrez donc, monsieur..." Mais le potentiel érotique des filtres encrassés de calcaire étant ce qu'ils est, son esprit divaguait systématiquement avant qu'il n'ait eu la chance de comprendre le bénéfice produit. Et pourquoi l'aurait-il fait,  d'ailleurs? Cette pub s'adressait clairement à Bobonne, non? L'homme du second millénaire dans toute sa splendeur: son seul luxe est de choisir quand il décide d'offrir son temps de cerveau disponible, et quand il préfère le garder pour soi.

Je le regarde s'éloigner avec sa bouteille de liquide vaisselle, et je me dit qu'il faudra que je garde mes distances avec lui. J'irai en pause lorsqu'il débarquera dans le magasin à l'avenir. Il vient tous les jours, et on le connait tous pour son mauvais caractère et son manque de manière. Mais, moi, j'ai grandi dans une cité, et ce genre de comportement, ça me fait bouillir le sang. Et comme j'ai grandi dans une cité, il est déjà chaud à la base. Et si je lui colle pas un bourre-pif parce qu'il m'aura parlé comme à un clébard, je le ferai tôt ou tard pour la façon dont il traite la dame qui l'accompagne quand il fait ses courses. Je sais pas comment ça s'appelle, au juste, cette fonction, dans sa dénomination politiquement correcte: "aide ménagère", ou "auxiliaire de vie" peut-être? En tout cas, à Sarkoland, on parle plus tout à fait français, et c'est vrai que c'est pas facile de s'y faire, mais faudrait qu'on comprenne une bonne fois pour toutes qu'on ne peut plus appeler les "seniors" des vieux, les "P.M.R." des handicapés, ou les "concurrents de la Star Ac" des cons tout court!

En tout cas, il semble que l'énergumène dont je vous parle depuis tout à l'heure n'a jamais, lorsqu'il s'adresse à son auxiliaire de vie, entendu parler du politiquement correct. Je veux dire, celui de notre merveilleuse époque actuelle. Parce que, pour quelqu'un qui a grandi avec fierté dans un pays où on louait le travail, la famille et la patrie, c'est politiquement correct d'insulter les gens parce qu'ils sont étrangers. Finalement, les choses n'ont pas changé pour le mieux, mais elles ont changé quand même, et c'est une bonne chose.

C'est pas non plus une raison pour arrêter de se plaindre!

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Z
<br /> rien de 9???<br /> <br /> <br />
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